Les jardins royaux britanniques : Highgrove

06/05/2023

« Un jardin pour inspirer, exciter, fasciner et apaiser les esprits. » Voici les mots de Charles III, alors Prince de Galles. La nature a pris une place très importante dans le cœur du souverain. Et c'est très naturellement qu'il s'engage dès 1960 pour sa protection.

Véritable déclaration d'amour à la nature, je vous invite à pousser les grilles des jardins royaux britanniques avec moi. Visitez celui d'Highgrove, dans le Gloucestershire, en Angleterre.

Highgrove Garden (Les jardins d'Highgrove)

Cette demeure construite en 1796 au milieu d'une vaste forêt a vu de nombreux propriétaires y habiter. Mais c'est en 1980 que son expérience royale commence, avec son achat par le fils de la Reine du Royaume-Uni, Charles, héritier de la couronne. Aujourd'hui, elle demeure l'une des résidences favorites des Windsor.

L'objectif suprême de Charles est de faire de ses jardins d'Highgrove, un modèle agro-écologique reconnu. Miriam Rothschild mais aussi Lady Salisbury, l'ont conseillé pour concevoir ses jardins sortis de ses rêves, dont il a lui-même dessiné les plans. Il s'avère que le prince est un excellent aquarelliste et que dessiner la nature est surement l'un de ses passe-temps favoris. Les resplendissants jardins qui entourent le manoir, sont une excellente source d'inspiration. D'ailleurs, il n'est pas rare, lorsqu'il a cinq minutes, de le voir sur son trépied à peindre la nature et les paysages. C'est un endroit où il fait bon vivre et où le sentiment de profond bien être s'y fait ressentir.

Après avoir poussé les grilles du manoir, nous découvrons un très beau jardin à la française, symétrique et fabuleusement royal. Puis, à mesure que l'on avance, la nature semble reprendre le dessus, avec un jardin plus sauvage. Des plantes colorées et du monde entier y vivent en harmonie. C'est d'ailleurs très avant-gardiste pour cette époque en France ce genre de jardin ! Au détour d'un chemin, nous pénétrons dans le potager du prince. Et nous terminons cette visite par le jardin oriental, cher à ses yeux, dont l'inspiration lui vient d'un tapis acheté en Turquie. Grâce à ces jardins, le prince Charles peut se vanter d'être le propriétaire de la plus grande collection de hêtres du Royaume-Uni. L'on dit du prince lors de balades dans la nature, qu'« il est capable de reconnaitre le nom de chacune des herbes et des fleurs et vous dire à quoi elles servent et comment les protéger. Ce n'est pas donné à tout le monde ! » commente Gérard de Waldner, ami du prince.

Au hasard des jardins, nous pouvons y trouver différents temples, qui montrent sa grande ouverture d'esprit et sa liberté de culte. À noter que la Grande-Bretagne est l'un des pays avec le plus de diversité culturelle et religieuse au monde ! Chaque temple respectif renferme entre autres : une bible, un coran, et une torah. Mais la religion n'est pas la seule chose à être chère aux yeux du prince. Pour symboliser l'amour qui le lie à sa grand-mère, la reine-mère Elizabeth Bowes-Lyon, il a fait ériger un mémorial, où le portrait en relief de « Queen Mum », comme elle était surnommée, trône au hasard d'un jardin.

Yann Arthus-Bertrand dira de Charles : « Je me souviens de quelqu'un qui travaille avec les mains ; il a des mains assez rouges, des mains de paysans pratiquement. On voit qu'il travaille beaucoup la terre lui-même [...] il est droit dans ses bottes dans ce qu'il dit, il le pense sincèrement, ce n'est pas une attitude. Dans ce monde où il y a très peu de gens, en fin de compte, qui ont pris cette conscience-là, lui il l'a vraiment. Je pense que c'est quelqu'un qui restera dans l'histoire comme un vrai écolo. Réussir sa vie de prince ou de photographe, ce n'est pas très difficile. Réussir sa vie d'homme c'est un peu plus compliqué et lui a compris ça et veut réussir sa vie d'homme. »

Fait amusant, le fils d'Élisabeth II recycle même l'eau de son bain pour arroser ses fleurs ! Charles a dit en plaisantant : « Ils gâchent tout ici, pas moi ! L'eau de mon bain coule dans un tuyau et tombe dans un tonneau où l'on peut utiliser l'eau pour le jardin. Je fais la même chose à Londres ! »

Voilà près de 40 ans que l'ancien Prince de Galles façonne son jardin à son image.

Broadfield Farm

Plus loin dans ses terres, le prince a fait construire en 1985 une ferme biologique dont il possède le bail d'exploitation. Il s'agit de 364 hectares de terres cultivées par le duché de Cornouailles avec un élevage bovin, dont les produits sont utilisés pour la famille royale mais aussi vendu aux habitants des villages alentours, sous le nom de « Duchy Originals ». D'ailleurs, en 2018, la société a généré plus de 3 millions d'euros de bénéfice, entièrement reversé aux œuvres caritatives du prince. De surcroit, sa ferme est considérée comme le premier bassin d'emploi du comté.

Mais à ses débuts, le projet n'est pas forcément le bienvenu. À cette époque, l'écologie est loin d'être une priorité pour les habitants de cette planète ; Charles est vu comme un illuminé. La ferme est à ce jour un exemple d'agriculture biologique, reconnu par bon nombre d'experts, mais aussi un havre de paix et un modèle de bien-être animal. De plus, la ferme compte parmi ses vaches des Gloucester. David Wilson, gérant de la ferme a dit :

« Il s'agit d'une race [de vache] rare. En 100 ans nous avons perdu près de 90% de la diversité des espèces que nous consommons. Alors ici nous essayons de les préserver. Je pense que l'agriculture est le fondement de notre civilisation, mais en fait, elle est devenue l'une de nos dernières préoccupations car nous voulons toujours des produits moins chers et c'est quelque chose qui préoccupe le Prince de Galles. Ici il a voulu montrer qu'il pouvait faire de la qualité avec des méthodes biologiques et partager cette expérience avec d'autres agriculteurs. »

En plus de ses qualités agro-écologiques, ce jardin est aussi souvent présenté aux groupes scolaires britanniques pour les initier à l'écologie, ainsi le voulait Charles.

Hélas, en 2021, sa future fonction de roi est jugée incompatible avec sa fonction d'agriculteur, il se voit donc obligé de ne pas renouveler le bail d'exploitation pour les 20 prochaines années. C'est un véritable déchirement pour le prince qui a consacré sa vie à la nature et à sa préservation. Mais ne vous en fait pas pour lui, il saura se consoler avec les 800 hectares du domaine de Sandringham, sa demeure léguée par la reine à son décès, le 8 septembre 2022. C'est dans ce palais que se retrouve la famille royale britannique pour célébrer les fêtes de Noël.

En parcourant ses jardins et sa ferme, nous comprenons un peu plus ce prince tant décrier et pourtant si mystérieux. Charles III continuera de faire d'Highgrove son havre de paix et son refuge, à son image, aujourd'hui jugé comme l'un des plus beaux jardins d'Angleterre.

Quelques liens et sources utiles

Secret de jardins, Highgrove, le jardin du Prince Charles, 2019.

Kevin Guillot, Les fabuleux jardins de Highgrove House.


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