Alors que les profits de la Couronne atteignent des sommets, le montant versé au roi Charles III va bondir de 53 % en 2025. Comment fonctionne réellement le financement de la monarchie britannique ? Entre patrimoine hérité, dotation publique et transparence relative, décryptage d'un système unique en Europe.

Comment est financée la monarchie britannique, et à quel prix pour les contribuables ?
Alors que les profits de la Couronne atteignent des sommets, le montant versé au roi Charles III va bondir de 53 % en 2025. Comment fonctionne réellement le financement de la monarchie britannique ? Entre patrimoine hérité, dotation publique et transparence relative, décryptage d'un système unique en Europe.
Une monarchie financée par le peuple, pour représenter le peuple ?
Le débat sur le coût de la monarchie britannique revient régulièrement sur le devant de la scène. En 2025, celui-ci prendra une tournure particulière : le Sovereign Grant, la dotation publique versée chaque année au souverain pour couvrir ses activités officielles, passera de 86,3 millions de livres sterling à 132,1 millions, soit une hausse de 53 %.
Ce bond spectaculaire est dû à un mécanisme singulier : le pourcentage des bénéfices du Crown Estate – l'immense portefeuille de propriétés royales – attribué à la monarchie. À la faveur des profits records issus des projets éoliens offshore, le roi Charles III va toucher un "bonus" inédit… sans vote parlementaire préalable.
D'où vient l'argent du roi ?
1. Le Sovereign Grant : la subvention principale
Depuis 2012, le Sovereign Grant a remplacé l'ancien système de la Civil List, modernisant les flux financiers entre la monarchie et l'État. Il s'agit d'une dotation annuelle indexée sur les revenus du Crown Estate, reversés au Trésor.
- En 2024-25, la somme est de 86,3 M £, dont 34,5 M £ dédiés aux travaux de rénovation de Buckingham Palace.
- En 2025-26, elle atteindra 132,1 M £, selon les chiffres du National Audit Office.
- Ce montant représente 12 % des profits du Crown Estate, réduits temporairement depuis 2024 (contre 25 % entre 2017 et 2023).
Cette dotation sert à financer l'entretien des résidences officielles, les déplacements des membres de la famille royale, les salaires de centaines d'employés, les cérémonies officielles… mais ne couvre pas les frais de sécurité, assurés par le Home Office et l'armée, dont les coûts restent confidentiels.
2. Le Crown Estate : un empire foncier géré par l'État
Le Crown Estate n'est pas une propriété privée du roi. C'est un portefeuille géré par une entité publique indépendante, évalué à plus de 16 milliards de livres sterling. Il comprend : des terrains agricoles, des propriétés commerciales au centre de Londres, des rivages maritimes, et surtout, les fonds marins du Royaume-Uni, une source de profits colossaux depuis l'essor de l'éolien offshore.
En 2024, ses bénéfices ont atteint 1,15 milliard de livres sterling, un record historique. En vertu d'un accord séculaire, l'intégralité de ces profits revient au Trésor, mais un pourcentage (revu tous les cinq ans) est rétrocédé à la monarchie via le Sovereign Grant.
3. Les duchés royaux : Lancaster et Cornwall
Le Duché de Lancaster (hérité du Moyen Âge) génère environ 24 M £ par an et alimente le Privy Purse (bourse personnelle du souverain).
Le Duché de Cornwall, transmis au prince héritier, a généré 23,6 M £ en 2023, utilisés pour financer ses engagements publics. Depuis l'accession de Charles III au trône, c'est le prince William qui en bénéficie.
Ces revenus sont imposés depuis les années 1990, à hauteur d'environ 45 %, et sont audités par des cabinets privés, mais ne font pas l'objet de contrôles publics aussi stricts que les ministères.
Un système unique, entre héritage et modernité
Le Royaume-Uni reste l'un des rares pays à lier directement les finances royales aux revenus fonciers publics. La monarchie, bien que constitutionnelle, n'a pas de pouvoir politique, mais dispose d'un patrimoine d'une ampleur inégalée parmi les monarchies européennes.
"C'est un contrat moral autant que financier : le roi renonce aux profits directs du Crown Estate en échange d'un financement stable de ses fonctions officielles", résume l'historien constitutionaliste Robert Hazell, de l'UCL Constitution Unit.
Une transparence en progrès… mais encore floue
La publication annuelle des comptes du Sovereign Grant, disponible sur le site royal.uk, marque une avancée vers la transparence. Le rapport détaille chaque dépense, notamment :
- 24 % pour les salaires du personnel,
- 20 % pour l'entretien des résidences,
- 15 % pour les déplacements.
Mais certains coûts, comme la sécurité, restent hors du champ d'audit public, tout comme les revenus privés du roi, les donations personnelles, et les frais de succession, exonérés d'impôts.
Des critiques récurrentes visent aussi le manque de plafonnement automatique : si les profits du Crown Estate augmentent, le Sovereign Grant grimpe, mais n'a jamais baissé depuis sa création.
Comparaison : combien coûte une monarchie en Europe ?

La monarchie britannique est dans la moyenne haute en coût absolu. Mais en proportion du PIB ou par habitant, son impact est relativement modéré, environ 1,30 £ par contribuable/an selon les dernières estimations. Le débat est surtout symbolique : la monarchie en vaut-elle la dépense ?
Et en France ? Une république à la transparence maîtrisée
Contrairement au Royaume-Uni, la France fonctionne sur un modèle républicain. Le budget de la présidence de la République (Élysée) pour 2024 est d'environ 110 millions d'euros, incluant :
- Les salaires du personnel,
- La sécurité,
- Les déplacements présidentiels.
Le salaire du président s'élève à 15 200 € brut par mois, imposable comme tout revenu. La Cour des comptes contrôle les dépenses de la présidence, et le détail est publié dans la loi de finances chaque année, un degré de transparence souvent salué.
Si le budget de l'Élysée est comparable à celui du Sovereign Grant britannique, la différence réside dans la nature des fonctions (chef d'État exécutif vs. représentatif) et dans la traçabilité totale des fonds publics français.
Une monarchie populaire, mais sous surveillance
Malgré les critiques, la monarchie britannique reste une institution très populaire, soutenue par plus de 60 % des Britanniques selon les derniers sondages de YouGov. Le roi Charles, soucieux d'une "monarchie plus moderne et sobre", a même renoncé en 2023 aux nouveaux bénéfices de l'éolien offshore, au profit du Trésor.
Mais la pression monte. L'association Republic réclame la fin du Sovereign Grant et la conversion du modèle monarchique en présidence parlementaire. Pour l'instant, cette option reste marginale sur l'échiquier politique britannique.
Conclusion : tradition coûteuse ou pilier national ?
Le financement de la monarchie britannique mêle héritage historique, adaptation contemporaine et débat éthique. Si les institutions ont fait des efforts de transparence, le système reste opaque sur certains points clés, notamment en matière de fiscalité, de sécurité, et de contrôle parlementaire.
Alors que les rénovations de Buckingham Palace battent leur plein, et que les profits du Crown Estate battent des records, le Royaume-Uni est plus que jamais confronté à une question essentielle :
quel est le prix et la valeur d'un roi ?
Enzo Guyot.
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Sources :
- The Guardian
- The Time
- Institute for Government
- UK Parliament – Commons Library
- Royal.uk – Financial reports
- Wikipedia – Monarchies in Europe
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