Olympe de Gouges - Nos femmes de la Révolution
Nous sommes le 14 septembre 1791, dans la brochure « Les Droits de la Femme », écrite à l'attention de Marie-Antoinette, Olympe de Gouges écrit « la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne ». C'est un texte fort, visionnaire, qui pour la première fois évoque l'égalité juridique et légale des femmes par rapport aux hommes. Si le texte parvient à la Cour, il est peu probable que la reine l'ait lu. De plus, dans une Assemblée législative constituée de 745 députés masculins, le texte n'a pas été lu, et n'a même pas été évoqué.
Ses idées révolutionnaires, ou du moins progressistes et féministes lui viennent de son enfance. Si elle naît d'un père boucher et d'une mère, fille d'avocat, la rumeur court que son père biologique n'est autre que Jean-Jacques Lefranc, Marquis de Pompignan et académicien français. Cet homme de lettres est un poète, dramaturge, écrivain et traducteur. Olympe dévore les livres de son supposé père, dont son œuvre la plus connue est « Didon ». Mais sa mère n'a pas le rang de cet homme dont elle est la maîtresse. Alors il part se marier et laisse la jeune Olympe seule avec sa mère. C'est pour elle une véritable déchirure sentimentale, qui commence à la détourner des hommes. Mais elle connaît par la suite une deuxième déception de la part de la gente masculine. À 17 ans, elle se marie à un cuisinier. C'est un homme violent, qui la bat et n'hésite pas à la violer. Olympe écrira d'ailleurs : « Le mariage peut-être le tombeau de l'amour et de la confiance. »
Si nous ne sommes pas certains de cette date, Olympe se serait retrouvée veuve un an après, c'est-à-dire l'année de ses 18 ans. Elle part alors rejoindre sa sœur à Paris et fait son entrée dans la vie mondaine. On dit d'elle qu'elle est la 5e plus belle femme de Paris en 1789 ! Ses prétendants sont nombreux et les demandes de mariages affluent de tout Paris ! Mais elle s'est fait la promesse de ne jamais se remarier, ne voulant dépendre de personne, n'avoir rien à demander, en outre : être libre.
Riche de ce passé, plongée dans des livres, elle devient très vite une écrivaine à la plume dénonciatrice. Ses propos jugés avant-gardistes choquent, mais en décembre 1789, sa représentation est présentée au public. Si les chiffres parlent d'une bonne audience, il s'avère qu'une partie de la haute société bourgeoise, raciste et favorable à l'esclavagisme qu'elle dénonce, paye des siffleurs pour assister à la représentation. Huée, elle ne sera présentée que trois fois.
Olympe a des idées bien précises : elle envisage l'école gratuite, des caisses de retraite, des foyers pour mendiants, le droit des femmes à participer à la vie politique. Elle eut ces mots : « Si la femme a le droit de monter à l'échafaud, elle a aussi le droit de monter à la tribune. » Mais en 1792, elle pense que la Révolution va trop loin. Elle voit ses amis mourir sous le fatal couperet et la répression, que dis-je, la terreur de Robespierre ! Elle n'hésite d'ailleurs pas à le traiter de tyran, de dictateur et à le critiquer publiquement. Elle eut dit : « Le sang, même des coupables, versé avec cruauté et profusion, souille éternellement les Révolutions ». Elle n'y va pas de mains mortes avec Marat, qu'elle traite « d'avorton de l'humanité ».
Pour la faire taire, car ses propos dérangent, on dira d'elle qu'elle est contre-révolutionnaire. Et le 20 juillet 1793, elle publie une affiche, qu'elle intitule « Les trois urnes ou le salut de la patrie ». Elle demande à ce que le peuple ait le choix entre trois choix : une république unie et indivisible, une république fédéraliste ou une monarchie constitutionnelle. Mais pour avoir proposé (entre autre) le retour d'une monarchie constitutionnelle, elle est arrêtée par les Montagnards.
Le matin du 2 novembre 1793, son procès est bâclé, elle n'a même pas le droit à un avocat. Elle va tout de même se défendre avec intelligence et habilité. Elle ira même jusqu'à se déclarer enceinte pour échapper à la peine de mort ! Mais les médecins sont dans l'incapacité de prouver l'existence de ce bébé. En réalité, Olympe de Gouges est déjà ménopausée*, il est donc impossible qu'elle soit enceinte. Quand bien même elle fut enceinte, l'accusateur public Fouquier-Tinville aurait balayé l'argument et l'aurait sans doute envoyé à l'échafaud.
Le 3 novembre 1793, deux semaines et demie après l'exécution de Marie-Antoinette, Olympe de Gouges monte à l'échafaud. Face à la foule rassemblée pour voir cette femme de 45 ans, à la fois détestée et admirée pour son courage, elle cria : « Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort ! » Lorsque les Montagnards fouillent son domicile après son exécution, ils décident de brûler ses livres et papiers, voulant faire disparaître à tout jamais le nom d'Olympe de Gouges.
Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que son nom soit réévoqué positivement. Et c'est notamment aux États-Unis, en Allemagne et au Japon qu'elle fait sensation pour son exemple de courage et d'indépendance d'esprit. On la considère d'ailleurs comme la première féministe française. Notons tout de même que cette femme de Lettres était populaire avant la Seconde Guerre mondiale en Union Soviétique ! On dit qu'" à travail égal, salaire égal " et la scolarisation égale pour les deux sexes, viennent des ouvrages de cette écrivaine, dont les Bolchéviks se sont inspirés lors de la Révolution Russe. Et si plusieurs pétitions ont été signées pour qu'Olympe de Gouges entre au Panthéon, Jacques Chirac n'en fera rien. Pas plus qu'en 2013, ou Germaine Tillon et Geneviève de Gaulle-Anthonioz lui sont préféré.
Olympe de Gouges n'a pas seulement marqué la Révolution française, mais des générations à travers ses combats pour l'égalité des sexes.
~ Citation :
- « Si la femme a le droit de monter à l'échafaud, elle a aussi le droit de monter à la tribune. »
- « Le mariage peut-être le tombeau de l'amour et de la confiance. »
- « Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort ! »
- « Le sang, même des coupables, versé avec cruauté et profusion, souille éternellement les Révolutions »
Par Enzo Guyot
* Fouquier-Tinville est plus tard condamné à mort pour avoir, entre autres faits, envoyé des femmes enceintes à l'échafaud (acte d'accusation de Fouquier-Tinville en l'an III).