Félix Faure, il voulait être César mais il ne fut que Pompée !
Président sous la IIIème République, Félix Faure connaît une fin tragi-comique. Proche de sa famille mais loin d'être un mari modèle, c'est régulièrement qu'il entretient des aventures extra-conjugales au hasard des salons de l'Élysée.
Poussons ensemble les portes du salon bleu et découvrons comment cet homme d'֤État a rendu l'âme !
Félix Faure est issu d'une famille modeste du côté maternel et du côté paternel, puisqu'il est fils de menuisiers et d'ébénistes. Bon cavalier, il entame une carrière chez les chasseurs d'Afrique (unité de cavalerie de l'armée d'Afrique appartenant à l'armée de terre française). Mais celle-ci ne perdure pas. Quand survient la campagne d'Italie de 1859, il est si horrifié qu'il s'en dissuade. Il décide alors de suivre une formation de tanneur à Amboise.
Malgré l'expérience politique de Félix Faure, longue de 25 années, il ne voulait pas être président de la République. Si bien que lorsque des bruits de couloirs circulent sur son éventuelle possibilité d'être le nouveau locataire de l'Élysée, il s'écrit : « Jamais, Jamais ! » et il s'enfuit. Mais il se voit « forcé » d'accepter la proposition pour faire face à Henri Brisson, un homme politique de centre-gauche. Il est élu par 430 voix sur 801 votants, soit à 54%.
Le président français se dénote dans sa fonction par son sens du protocole et son élégance, dignes d'une cour royale ! Par exemple, il exige d'être servi avant les souverains étrangers, « c'est ainsi l'usage à la cour de France » a-t-il dit. De plus, sa femme doit être assise légèrement en retrait, et il impose le vouvoiement à tout le monde, même à ses plus anciens amis ! L'un d'eux lui aurait dit « laisse-moi te tutoyer une dernière fois ; je t'emmerde ! »
À l'aube du 16 février 1899, Félix Faure se réveille avec une sensation de « jambes molles ». Ne se sentant pas bien, il annule sa promenade équestre. Il faut dire que le président a quelques troubles cardiaques qui le suivent depuis plusieurs années. Malgré cela, il téléphone à Marguerite Steinheil, dite « Meg ». Elle est l'épouse d'Adolphe Steinheil, un peintre auquel fut commandé la toile intitulée : La remise des décorations par le président de la République aux survivants de la redoute brûlée. Ainsi, Faure est fréquemment au domicile des Steinheil, et madame devient sa maîtresse. Après le conseil des ministres, Meg arrive vers 17h00 mais l'entretien avec l'archevêque de Paris et le prince Albert 1er de Monaco au sujet de l'affaire Dreyfus se poursuit. Pour se montrer à la hauteur de sa maîtresse, il prend un aphrodisiaque puissant, sûrement de la cantharide officinale ou de la quinine. Il était d'usage qu'il s'en fasse apporter par son huissier pour être toujours en forme.
Rejoignant Marguerite dans le salon bleu, le plaisir charnel tant aimé par le président est sur le point d'être assouvi. Mais peu de temps après, son chef de cabinet entend un hurlement. Quand il entre, Félix Faure est allongé sur le divan, vêtu d'un gilet de flanelle, râlant et toujours agrippant sa maîtresse par les cheveux. Elle était à peine habillée et toujours à genoux. Il fallut même couper une mèche de cheveux à cette dernière pour libérer la main du président !
Une fois rhabillée, elle est accompagnée chez elle, tandis que les médecins s'empressent autour du président que l'on a allongé sur un matelas. L'aumônier appelé en urgence, ne sachant pas si le président était en vie, demande à l'huissier « Le président a-t-il toujours sa connaissance ? », avant que ce dernier ne réponde « Non, elle est partie par l'escalier », pensant qu'il parlait de sa maîtresse ! D'ailleurs, lorsque Marguerite Steinheil quitte l'Elysée en vitesse, elle en oublie son corset, que monsieur Le Gall, chef de cabinet, garda en souvenir.
Félix Faure meurt quatre heures plus tard, entouré de sa famille et de son médecin. Si la légende veut qu'il soit mort par épectase, c'est en réalité une hémorragie cérébrale qui a causé l'arrêt du cœur du président.
Naturellement les moqueries vont bon train ! George Clémenceau, non sans un grand sens de l'humour, a dit « Il voulait être César mais il ne fut que Pompée ! », il ajouta également « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui ». Quant à Steinheil, elle hérite du surnom de « la pompe funèbre ». Il eut été dit que Faure avait promis à Marguerite de... « mourir de plaisir !»
Le 23 février 1899 des obsèques nationales sont célébrées. Celles-ci ont particulièrement été mouvementées par la Ligue des patriotes, menée par Paul Déroulède, qui a tenté un ridicule coup d'État !
Son successeur est le président Émile Loubet, qui est peu apprécié au début de son mandat par les royalistes et les nationalistes. Il est porté au pouvoir par une majorité républicaine et dreyfusarde. D'ailleurs, peu de temps après, il est agressé par un homme qui le frappe de sa canne, mais son chapeau haut de forme le sauve, vive la mode ! Bienveillant et simple, sans grand intérêt pour le protocole, il finira par être accepté des Français. Sa femme, aussi simple que lui, aurait pu être à l'origine d'un incident diplomatique. Lorsqu'ils rencontrent le roi Edouard VII, le fils de la reine Victoria, elle demande en parlant du futur George V : « Et ce garçon, que comptez-vous en faire plus grand ? » Autre anecdote comique, madame Loubet était fréquemment dérangée lors de ses siestes par les corneilles du jardin de l'Élysée. Ainsi, son mari organisa une battue, si bien que les passants, entendants les coups de feu, pensaient qu'il s'agissait d'un coup d'État !
À ce jour, Félix Faure est le seul président mort en fonction, à être décédé au palais de l'Élysée.
Photo de couverture : "L'Illustration du 25 février 1899 : les derniers moments du Président Félix Faure, à l'Elysée". Auguste Tilly et Louis Sabattier. Paris, musée Carnavalet. © Musée Carnavalet / Roger-Viollet
@enzoguyot